Alors que le film en 3D de Spielberg est sorti en décembre 2011, un procès a débuté en 2007 qui accuse Tintin de racisme, en cause : l'album Tintin au Congo.

 

175948_vignette_tintin-au-congo.jpgCette accusation de racisme n’est pas récente.

Tintin au Congo, œuvre de jeunesse.

L’album Tintin au Congo, deuxième album d’Hergé (Georges Rémi de son vrai nom), parait en 1931. Hergé a alors 24 ans, il vivait dans un milieu plein de préjugés et l’album est rempli de stéréotypes de la vision du Congo par les Européens de l’époque.

En fait c’est un album « publicitaire » pour inciter les belges ou autres européens à aller dans ce territoire colonisé qui manquait de main d’œuvre. Il est donc empreint de beaucoup de paternalisme dans l’esprit de l’époque pour qui les nègres étaient de grands enfants. Quand Hergé réédite l’album en couleur en 1946, il supprime certains détails jugés trop colonialistes, comme la leçon d’histoire aux petits congolais sur « votre patrie la Belgique » remplacée par une leçon de mathématiques.

Rien de bien méchant a priori si l’on se replace dans l’époque colonialiste où l’Europe entière va chercher en Afrique et ailleurs les ressources qu’elle ne possède pas. Hergé pour sa part avait fréquenté le milieu scout catholique qui voyait d’un très bon œil cet effort de civilisation envers des peuplades jugées peu civilisées.

Hergé reconnut plus tard (Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé, 1971) que c’était un péché de jeunesse et sans renier cet album, disait que si c’était à refaire il ne l’aurait pas écrit ainsi.

En 2007, soit plus de 70 ans après sa parution, la polémique rebondit.

MRAP et MRAX pour l’interdiction

Le MRAX (Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie) par l’intermédiaire du MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples) français envoie une lettre aux éditions Casterman. Au final, il ne demande pas l’interdiction de l’album mais l’encart d’un « avis aux lecteurs » pour éclairer le contexte historique et appeler à la vigilance contre les préjugés racistes de l’ouvrage.

La version anglaise de l’ouvrage comporte un tel avertissement.

On aurait pu en rester là sans l’obstination d’un congolais résidant en Belgique.

Bienvenu Mbutu Mondondo contre Tintin

Ce congolais essaie depuis 2007 de faire interdire Tintin au Congo sans succès jusqu’à présent.

Cependant en 2011, après bien des péripéties judiciaires, va s’ouvrir devant le Tribunal d’Instance de Bruxelles le procès contre Tintin ou plutôt contre Tintin au Congo. L’accusation demande l’interdiction de l’album au motif qu’il contient des propos racistes ou à titre subsidiaire l’apposition d’un bandeau sur la couverture avec également une préface pour rappeler le caractère raciste de l’œuvre.

Les défenseurs eux plaideront la liberté d’expression ; en France le CRAN (Conseil Représentatif des Associations Noires) a saisi F. Mitterrand lequel en « appelle à ne pas banaliser la censure ».

Pourtant en maintes occasions Tintin a défendu les opprimés.

Tintin contre l’injustice

Dans Tintin en Amérique, il démontre la puissance financière blanche qui exploite les indiens et les exproprie de leurs terres pour récupérer le pétrole.

Dans Le Lotus bleu, daté de 1936sa critique va envers les occidentaux et leurs préjugés envers les chinois : hommes jugés fourbes et cruels, femmes aux pieds enfermés dans de petites chaussures, bébés jetés à l’eau à leur naissance…autant de préjugés en cours à cette époque. Surtout il prend résolument la défense des chinois contre l’envahisseur japonais. Dans une scène en ville, il défend un tireur de pousse pousse maltraité par un blanc colon, ensuite il s’oppose aux japonais envahisseurs.

Dans les Bijoux de la Castafiore, il prend parti avec Haddock pour les romanichels persécutés par la police.

Mais ceci n’est rien comparé à l’album Coke en stock où il libère…des noirs de l’esclavage annoncé.

Coke en stock l’anti Tintin au Congo

C’est surement l’album de Tintin où s’exprime de façon éclatante son anti racisme.

Rappelons le sujet : notre héros se retrouve au milieu d’une traite des noirs (nom de code : coke), en effet sous prétexte d’emmener des noirs musulmans à la Mecque, ils sont vendus comme esclaves à des arabes. Cette dénonciation est à la fois courageuse et originale.

Courageuse car on aurait pu taxer Tintin de racisme envers les arabes, originale car la traite arabe est la moins connue de toutes.

En effet la traite des noirs par les blancs est la plus connue mais la traite arabe a été depuis des siècles largement répandue dans le monde oriental. Les estimations diffèrent d’un auteur à un autre mais les chiffres sont énormes : pour Jean Sévilla 12 millions d’africains ont été déportés par la traite arabe, Paul Bairoch annonce lui le chiffre de 25 millions de noirs ayant subi cette traite contre 11 millions ayant subi celle des occidentaux.

Au-delà des chiffres, contestables et difficiles à vérifier, la traite arabe est une réalité.

Alors Tintin raciste ? Un raciste n’a pas d’amis, les albums de Tintin sont un hymne à l’amitié.

Un hymne à l’amitié

Tout au long des 24 albums de Tintin, l’amitié prend une place prépondérante.

C’est avec Le lotus bleu que Tintin va vivre une rencontre décisive : Tchang Tchong-Jen, jeune étudiant chinois, est un personnage réel ! En effet, après la parution des Cigares du pharaon, il fait prendre conscience à Hergé de la nécessité de se documenter et de soigner les scénarios.

Logiquement Tchang apparait donc dans l’album, avant une absence de plus de vingt ans due aux évènements en Chine. Avec Tintin au Tibet ce sera une retrouvaille virtuelle avant la vraie retrouvaille émue en 1981, deux ans avant sa mort des suites d’une leucémie.

Précisons qu’à l’époque- le dernier album est paru en 1976- les sentiments étaient peu présents dans la Bande Dessinée, l’amour y est à peine évoquée car la BD s’adresse en priorité à des enfants ou des ados.

Que dire alors de la relation entre Haddock et La Castafiore ? Entre attirance et répulsion, leur relation ou absence de relation, a de quoi alimenter les délires de la psychanalyse.

D’autres belles amitiés parcourent les albums, notamment celles avec le Capitaine Haddock qui devient presque le personnage principal, faisant le pendant comique face à un héros un peu trop sérieux, Tryphon Tournesol et ses drôles d’inventions, les siamois Dupond et Dupont, le jeune Zorrino (Le temple du soleil) ou encore l’insupportable Abdallah.

La liste est longue de ces personnages imaginaires ou réels rencontrés : Henri de Monfreid (Les cigares du pharaon), Al Capone (Tintin en Amérique), Basil Zaharoff le marchand d’armes (L’oreille cassée), Jacques Bergier (Vol 714 pour Sydney)…

Tintin est éternel Il a été le premier dans la BD à faire le tour du monde et même à aller sur la lune !

Son œuvre doit s’analyser au regard de l’époque où Hergé a réalisé ses albums mais ce fut un précurseur et un maitre de ce nouvel art.

Ce n’est donc que justice que le cinéma s’en inspire plus d’un siècle après sa naissance et lui rende (enfin) au cinéma une place méritée.

EPILOGUE : La décision a fini par tomber. Après cinq années de procédure, en février 2012, le Tribunal de Première instance de Bruxelles a décidé de débouter les plaignants de leurs demandes en déclarant que Casterman et Moulinsart ne s’étaient pas rendues coupables d’infraction à loi belge de 1981 visant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie.

 

Sources :

- les albums de Tintin

Tintin et moi de Numa Sadoul aux Editions Casterman

Wikipedia : de nombreux articles dont un très complet sur la liste des personnages des aventures de Tintin.

 

 

Retour à l'accueil